Pour la première fois, l’ambassadrice de la Croix-Rouge a décidé de coucher sa vie sur papier afin de laisser une trace pour sa fille Nina âgée de 5 ans. Après une retouche maquillage, elle s’installe sur notre canapé pour nous raconter la genèse de ce bouquin. “Un jour, mon agent m’a dit que devenir mère m’avait totalement changée et que je devais raconter cette histoire parce qu’il adorait m’écouter. J’ai donc suivi son conseil et j’ai écrit, explique-t-elle. Je suis très contente parce qu’un livre, ça reste et ma fille pourra l’avoir pour toujours. J’espère que ça lui plaira.”
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Avez-vous trouvé facile l’exercice de parler de soi et de sa vie ?
”Pas du tout. Parce que dans ce livre, je parle de beaucoup de moments heureux mais il y a également une partie douloureuse, des histoires qui appartiennent au passé et qu’on n’a pas forcément envie de se remémorer. Mais quand on fait ce genre de livre, on doit replonger dans ces souvenirs et dans la douleur. C’était la partie moins chouette.”
Vous démarrez ce livre en parlant de votre enfance perturbée par l’absence d’une mère et l’arrachement à votre grand-mère, votre Starka, avec qui vous avez vécu jusqu’à vos 5 ans.
(Elle est émue) “Je vais pleurer… À chaque fois qu’on me parle de ma grand-mère, les larmes coulent. Surtout depuis que j’ai ma fille. Je me dis à quel point ça aurait été douloureux pour elle de vivre, du jour au lendemain, une vie où je ne suis pas là… Ma grand-mère m’a tellement aimée. Pour moi, c’était comme une maman. Je vivais avec elle. Quand ma mère, que je ne connaissais pas, a eu fini ses études de médecine, elle est revenue me chercher. On formait une famille avec mon père et elle. Pour tout le monde, la photo était parfaite. Mais, en réalité, c’était tout le contraire…”
Enfant, vous avez subi les violences physiques et morales de votre père. Lui en voulez-vous encore aujourd’hui pour tout le mal qu’il vous a fait ?
”Ce n’est pas que lui en veut… En fait, je n’y pense plus. Il ne représente plus rien pour moi ou juste le passé. J’y repense quand je vois l’amour d’Aram (Ohanian, le père de sa fille, NdlR.) pour notre fille. Je me dis qu’il existe des hommes qui n’ont pas cet amour-là et qui ne se comportent pas bien avec leurs enfants. Aujourd’hui, je n’ai plus cette douleur ni de questions dans ma tête. C’est fini.”
Avec le temps, avez-vous essayé de parler de cette période avec votre père ?
”À plusieurs reprises mais il ne se rend pas compte du mal qu’il a fait. Pour lui, c’est comme si ça n’avait jamais eu lieu. Il est persuadé de m’avoir bien élevée. Il pense d’ailleurs que tout ce que je fais aujourd’hui, c’est grâce à lui. Ce qui est un peu la vérité quand on regarde bien parce que la résilience se construit à travers les moments difficiles. Mais bon, j’aurais préféré ne pas les vivre et vivre des moments heureux à la place.”
Vous dites que c’est votre fille qui a réussi à vous donner confiance en vous.
”À cause de mon père, je n’avais plus du tout confiance en moi. J’étais devenue cette fille qui voulait être invisible. Ma fille m’a tout redonné. Sa naissance a été un tournant dans ma vie, un tsunami à tous les niveaux. C’est la rencontre de l’amour inconditionnel. Je n’ai qu’une envie : l’accompagner dans le monde, lui expliquer les choses et être là pour elle. Avant elle, j’avais toujours un certain ego parce que mon travail a toujours été centré sur moi-même, ma petite personne. Là, le centre de gravité s’est déplacé et ça fait du bien.”
Vous avez eu votre fille à 46 ans. Pourquoi avoir attendu cet âge ?
”J’ai tardé parce que j’avais beaucoup de doutes. Je ne pensais pas être une maman comme je suis aujourd’hui. Je me disais qu’il y avait des possibilités que je sois comme mon père qui m’a dit un jour qu’il ne m’avait pas aimé. Et si moi je n’aimais pas mon enfant ? Heureusement, ces questions sont vite parties de ma tête. C’était stupide.”
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À un moment, vous envisagiez d’avoir un deuxième enfant.
”J’ai fait 5 FIV après la naissance de ma fille. J’ai tenté mais ça n’a pas marché. Et finalement, mon mari ne voulait plus. Ça s’est arrêté là mais j’aurais adoré être maman une seconde fois.”
Pourquoi avez-vous intitulé votre bouquin “Libre” ?
”Parce qu’aujourd’hui, à 52 ans, je n’ai plus peur, de ne pas être à la hauteur, de décevoir, d’être cet imposteur en continu, d’échouer. Il m’aura fallu du temps pour arriver à ce sentiment mais j’y suis arrivée.”
Vous avez abandonné vos études de médecine en Slovaquie pour tenter votre chance à Paris en tant que mannequin. Est-ce que ça a été un choix difficile à faire ?
”C’était difficile oui parce que j’étais quand même en troisième année de médecine et à ce stade, on se dit qu’on a traversé le pire. Je ne savais pas du tout dans quoi je me lançais. J’ai fait une pause dans mes études pour toujours avoir un plan B. Je pouvais donc tester. Si ça ne fonctionnait pas, je reprenais les études.”
Comment s’est passée votre arrivée à Paris ?
”C’était dur au début parce que je ne parlais pas la langue et que je n’avais pas d’argent. La vie était très différente de chez moi. Mais, j’étais contente parce que pour une fois, je partais quelque part où il n’y avait que moi. J’ai fait ma vie, mes erreurs, mes propres responsabilités. J’étais indépendante. C’était moi qui décidais. J’ai adoré ce moment. Et puis, comment peut-on résister aux croissants et à la Tour Eiffel ?” (sourire)
Est-ce que vous vous rappelez de vos premiers castings en France ?
”Je me souviens que je débarquais sans savoir parler ni français ni anglais et que je n’avais aucune photo à montrer. Je venais chercher du travail avec rien. Je devais juste regarder le casteur. C’était ça le casting. C’était décevant parce que je n’avais pas l’habitude qu’on mesure mes capacités comme ça.”
Dans Rendez-vous en terre inconnue, vous dites une phrase marquante : “Mon métier, c’est d’être belle”. Vous sentez-vous reconnue que pour cela ?
”On m’a longtemps cantonnée à ma beauté. Mais, je l’assume complètement. Ce qui me dérange, c’est quand on cherche à savoir s’il y a autre chose. Et si je ne suis que belle, qu’est-ce que ça peut faire au fond ? Pourquoi faut-il absolument chercher autre chose ? Souvent chez les jolies femmes, surtout les blondes, on se sent obliger de chercher s’il y a autre chose. Je trouve ça injuste et discriminatoire.”
Vous expliquez qu’à vos débuts en tant que mannequin, la maigreur était la norme et les remarques fusaient. Trouvez-vous que ça a évolué depuis dans le milieu ?
”La minceur est encore très prisée dans le milieu du mannequinat même si on commence à voir des marques qui mettent en valeur les femmes avec leurs formes. Avant, on pesait le mannequin avant le défilé. S’il faisait plus de 57 kilos, on ne le prenait pas. On faisait ça en Espagne surtout.”
Un jour, vous racontez vous être privée de nourriture avant un défilé…
”Oui, c’était pour le défilé de Mugler mais ce n’était pas une souffrance. Je devais porter une robe et le corset était très petit. Le monsieur qui le confectionnait m’a dit : Reviens dans une semaine comme ça, tu rentreras bien dans la taille 32. Pour moi, c’était facile, ce n’était pas une contrainte, juste l’histoire de deux ou trois kilos. J’ai toujours eu de la poitrine et des formes. C’est une chance parce que je peux me faire beaucoup d’argent avec ça. C’est d’ailleurs grâce à ces formes que je pouvais poser en lingerie et en maillot de bain pour des catalogues commerciaux. Mais je faisais aussi les défilés et pour ça, il ne faut ni fesses ni seins.”
Avez-vous toujours été en accord avec votre corps ?
”Oui et il le faut sinon on ne peut pas faire ce métier. Il faut aimer chaque millimètre de notre corps parce que chaque millimètre est visible. Et si on veut le cacher, ça se voit dans notre attitude. Quand on fait ce travail, on doit être à l’aise, c’est la clé.”
Êtes-vous pour ou contre le botox chirurgie esthétique ?
”Comme je le raconte dans le livre, j’ai essayé le botox mais ce n’était pas pour moi. C’est juste une substance qu’on vous injecte et qui paralyse le muscle. Ça n’a rien à voir avec le “filler” qui est gonfle la peau et qui est dangereux. En ce qui concerne la chirurgie, je ne suis pas contre. J’ai la chance d’avoir mes propres seins. Mais qui pourrait reprocher à une femme d’avoir envie d’avoir des seins ? Tant que ce n’est pas dans l’excès, je trouve ça joli. Je ne trouve pas les fesses de Kim Kardashian jolies. Pour moi, c’est une mode qui va passer. Tout le monde va comprendre très rapidement que c’est ridicule.”
Dans ce livre, vous levez le voile sur une tentative de viol donc vous avez été victime. Pourquoi en parler seulement maintenant ?
”J’ai essayé de retrouver cette personne mais je ne connais pas son nom et l’agence qui m’avait envoyé dans son bureau ne le trouve pas non plus. Il ne m’a pas violée mais son comportement était inacceptable. Il m’a embrassé le visage et la poitrine. J’avais de la salive partout. Je n’ai pas trouvé cette expérience si traumatisante que ça parce que, quand c’est arrivé, j’avais environ 35 ans. Je suis sortie de là en me disant : Quel pauvre con ! J’ai ma carapace. Je sors de trucs beaucoup plus compliqués que ça. Mais, j’ai voulu en parler parce que ne pas en parler c’est accepter qu’il y ait ce genre de pauvres cons. Le mouvement #MeToo m’a fait réfléchir. Je me suis dit que je ne voudrais pas qu’il arrive la même chose à ma fille.”
Vous consacrez plusieurs pages à la relation que vous avez eue avec votre ex-mari, le footballeur français Christian Karembeu. Vous parlez de lui comme “l’amour avec un grand A”.
”Les premiers amours sont différents du reste. J’ai été longtemps amoureuse de lui. Comme une folle. C’était le coup de foudre. On a vécu 15 ans ensemble. On était heureux. Jusqu’au moment où on l’a plus été.”
Lors de cette histoire, vous êtes devenue une “Wag” (cercle des femmes de footballeurs) et vous dires que vous avez du mal à vous intégrer au groupe…
”Au début, c’était compliqué parce que je ne parlais pas français et que j’étais mannequin. Toute l’attention des médias était sur moi. Les autres Wags me regardaient bizarrement. (rires) Puis, elles ont compris que j’étais une fille gentille. On a vécu de super moments ensemble, notamment en coupe du monde.”
Après votre séparation, la question de changer de nom de famille s’est-elle posée ?
”Oui, j’ai essayé notamment de prendre le nom de mon second mari, Aram, mais c’était le chaos. Personne ne comprenait. Je me suis construite avec le nom Karembeu. J’ai fait ma carrière avec. On peut dire que c’est mon nom d’artiste. Ça n’a plus rien à avoir avec Christian. Je ne peux plus l’enlever et j’ai le droit de le garder aussi.”
Avec Aram, vous étiez prête à avoir un enfant. Pas avec Christian. Pourquoi ?
”Aram est l’homme qui m’a rendu heureuse à chaque seconde de ma vie. Nous sommes très complices. Il parle sans cesse et c’est cette communication qui m’a aidée à comprendre qui je suis. Il m’a dit un jour que j’allais être une maman merveilleuse et il avait raison. Avec Christian, je n’avais pas ça. Il était plus introverti et plus secret.”
Vous avez vous-même demandé Aram en mariage…
”Oui et j’ai adoré être mariée. Lui avait toujours peur que je disparaisse, que je ne disais pas vrai. Il m’a avoué qu’il avait peur que je dise “non” le jour de notre mariage. Je pense qu’il ne se faisait pas confiance.”
Avez-vous encore un rêve aujourd’hui ?
”J’en ai qu’un seul : j’aimerais rester sur cette terre le plus longtemps possible pour ma fille, pour l’accompagner, car je l’ai eue très tard. C’est ma seule angoisse.”
Et si elle voulait devenir mannequin comme vous ?
”Je la conseillerai, je lui expliquerai, la mettrai en garde. Je l’accompagnerai comme mes parents n’ont pas pu faire avec moi. Il faut donner des racines à ses enfants mais des ailes aussi.”
Le vieillissement vous fait-il peur ?
”Ca fait flipper pour une femme d’une certaine beauté parce que si on perd notre beauté, on perd notre pouvoir en quelque sorte. Et on s’est habituée au pouvoir. Mais, on se dit qu’il y a plein d’autres choses sur le côté.”