Un spectacle permanent
Régulièrement, le bateau interrompt son périple sur l’onde et s’amarre pour la nuit ou pour la visite d’une ville ou d’un site chargé d’histoire: Sens, Moret-Loing-et-Orvanne, le château de Fontainebleau, Melun, Vaux-le-Vicomte. Cette odyssée tranquille se clôture par une arrivée spectaculaire dans la Ville Lumière, encore auréolée du succès des derniers Jeux olympiques. “Nous voulions découvrir la France profonde d’une manière originale, nous confie ce couple de passagers québécois. Cette croisière est reposante, instructive et le personnel de bord est charmant. Nous sommes enthousiastes.”
Ce voyage fluvial d’exception est proposé par la société CroisiEurope. Basée à Strasbourg, cette entreprise familiale organise des croisières à travers toute l’Europe, voire au-delà. Parmi ces offres, un parcours de Sens à Paris en sept jours et six nuits, à bord de la Raymonde ou de la Déborah, en “all inclusive”.
Des bateaux wallons
À noter que ces deux “sisters ships” sont un peu wallons puisqu’ils ont été construits, en 2014, par le chantier naval Meuse et Sambre, à Namur. À bord des deux élégants navires, tout a été conçu pour le confort des passagers. Petites mais bien conçues, les cabines de 9 m2 disposent de toutes les commodités: deux lits, des espaces de rangement, un petit bureau, une salle de bains avec douche, une connexion WiFi, la climatisation. Chaque cabine est équipée d’une télévision, même si la faiblesse du signal de réception l’empêche souvent de fonctionner.
Mais personne n’est venu pour regarder le petit écran. Le spectacle, permanent, est ailleurs, sur le fleuve et ses berges que l’on peut observer depuis les larges hublots des cabines, du salon commun, de la terrasse ou encore du haut du sun deck. Le temps est propice à la flânerie de l’esprit. D’autant que la commissaire de bord répond avec sollicitude à la moindre des demandes.

Le rituel du repas
“Sur la Raymonde, nous avons tout mis en place pour favoriser le slow tourisme dans une ambiance intimiste, insiste Axel Araszkiewicz, en charge des relations extérieures pour CroisiEurope.Cette croisière est disponible du printemps à novembre. La capacité maximale du bateau n’est que de 22 personnes. L’idéal pour faire connaissance avec les autres passagers tout en se laissant dorloter par les membres de l’équipage. Il est également possible de privatiser la Raymonde pour un groupe d’amis ou une entreprise.” C’est l’art de vivre à la française au fil de l’eau.
Dans ce cadre, la gastronomie française est une pièce essentielle de cette croisière sur l’Yonne et la Seine. Chaque repas est un rituel avec un apéritif du jour, la présentation des plats par le chef cuisinier, une explication détaillée des fromages en dégustation… Le tout arrosé de vins qui magnifient les mets proposés. Cerise sur le gâteau, le jacuzzi installé à l’avant du bateau dans lequel il ne reste plus qu’à se laisser glisser, une coupe de champagne à la main.
1. Dans le bon Sens

Point de départ de cette croisière, Sens est une paisible petite ville de province qui s’est construite au fil des siècles en bordure de l’Yonne. Cette cité médiévale a fait partie du domaine royal, notamment sous Louis VII et Louis IX. La cathédrale Saint-Étienne reste le joyau de Sens. “Commencée en 1130, c’est la première cathédrale gothique de France, insiste notre guide. On y trouve un concept révolutionnaire en architecture: la croisée d’ogives. L’édifice a d’ailleurs servi de modèle à d’autres cathédrales célèbres dont Chartres, Bourges ou Canterbury. À ne pas manquer, la magnifique rosace des anges musiciens jouant sur tous les instruments connus à l’époque. La cathédrale abrite aussi le superbe mausolée en marbre du dauphin, fils de Louis XV, mort en 1729 de la tuberculose.” Une centaine de maisons historiques, souvent à colombages, mérite aussi le coup d’œil, entre autres la maison d’Abraham (XVI siècle) qui s’appuie sur un impressionnant poteau en bois sculpté d’un arbre de Jessé. Pour bénéficier d’un guide, s’adresser à l’office du tourisme (www.tourisme-sens.com). Détail important: aucune mouche ne viendra vous importuner durant votre promenade. Voici plusieurs siècles, un archevêque local les a excommuniées et chassées de la ville ! Il suffisait d’y penser…
2.Ici est né le sucre d’orge
Au 2e jour, la Raymonde quitte déjà l’Yonne pour la Seine. Le trafic est plus important et les écluses plus rares. Par un canal, on rejoint Moret-Loing-et-Orvanne, une cité royale fortifiée contre les appétits des ducs de Bourgogne. Le long des berges, les passagers peuvent observer des dizaines de vieilles péniches, la plupart abandonnées. Cela coûte trop cher de les “déchirer”. Alors, leurs propriétaires les laissent pourrir. En lisière de la forêt de Fontainebleau, Moret-Loing-et-Orvanne offre un superbe patrimoine architectural: portes médiévales fortifiées, façades Renaissance et surtout l’église Notre-Dame. Cet édifice religieux de style gothique, dont la construction débute au XIIe siècle par la volonté du roi de France Philippe Auguste, aurait servi de modèle à Notre-Dame de Paris.
Une si belle cité ne pouvait qu’attirer les artistes. Le peintre et graveur impressionniste Alfred Sisley y a immortalisé d’innombrables vues et paysages. Des peintures représentant Moret-Loing-et-Orvanne sont ainsi exposées dans le monde entier. Une idée cadeau gourmande ? C’est ici qu’a été créé, sous le règne de Louis XIII, le véritable sucre d’orge, une friandise douce et sucrée.
3.Le palais de Napoléon Ier
Après une nouvelle matinée de navigation, les passagers découvrent le château de Fontainebleau et ses grandioses jardins à la française (130 ha) ornés de fontaines et de parterres. Pendant huit siècles, cette immense résidence a été régulièrement habitée par les souverains importants de France, dont François Ier et Henry IV, qui y apporteront leur touche. Cette visite est un condensé de l’histoire de France et du goût français. Entièrement meublé, le château propose une plongée dans la vie de cour au fil des salles de bal et de garde, de la chambre du roi et autre salle du trône, le tout richement décoré de tapisseries, tableaux et sculptures. Mais le personnage illustre qui a le plus marqué les lieux n’est autre que Napoléon Ier. Au lendemain de la Révolution française, il a transformé le site en espace de séjours, de festivités et de chasses impériales. Au fil des conquêtes de l’empereur,Fontainebleau a été le théâtre d’importantes décisions politiques pour l’avenir de l’Empire. Lors de sa déchéance en 1814, vaincu par ses ennemis, Napoléon a signé son abdication dans ce château, avant de partir en exil pour l’île d’Elbe. www. chateaudefontainebleau.fr
4. Le hameau des peintres paysagistes
À la lisière occidentale de la forêt de Fontainebleau, la visite de Barbizon s’impose à tous les amateurs d’art qui se respectent. Au XIXe siècle, de 1820 à 1870, ce modeste hameau de 150 habitants (aujourd’hui 1 300) était la Mecque des peintres paysagistes, précurseurs des impressionnistes. Pourquoi ici ? À l’époque, la création de la gare ferroviaire de Melun a facilité l’accès à cette partie de la forêt de Fontainebleau, sujet d’inspiration inépuisable pour ces peintres qui rejetaient la peinture académique des salons officiels. Des centaines d’artistes ont ainsi fréquenté ce hameau pour former l’école de Barbizon. Parmi eux, Théodore Rousseau et Jean-François Millet.
Ces maîtres de la peinture logeaient ou se ravitaillaient à l’auberge Ganne, devenue un musée. Après un audiovisuel présentant l’histoire de l’école de Barbizon, les visiteurs découvrent des décors réalisés sur les meubles et les murs du bâtiment par différents peintres, ainsi qu’une collection de peintures, dessins et estampes. La visite se prolonge dans les agréables rues pavées du village où se répètent les galeries d’art, musées, petites boutiques et restaurants.
5.Le château des vanités
“Il n’y a pas loin du Capitole à la roche Tarpéienne” a sans doute dû penser le surintendant des finances, Nicolas Fouquet, au fond de sa cellule où l’a jeté Louis XIV en 1661. Il est vrai que c’est en tapant dans la caisse de l’État, que le marquis est devenu l’un des hommes les plus riches et puissants de France, pendant que le royaume était en banqueroute. Grâce à ce pactole, il a également pu construire une résidence somptueuse: le château de Vaux-le-Vicomte, une étape indispensable au cours du périple sur la Seine à bord de la Raymonde. Les plus grands artistes de l’époque ont été invités par Fouquet pour construire cette majestueuse résidence près de Melun: l’architecte Le Vau, le peintre Le Brun, le paysagiste André Le Nôtre. Résultat: un château qui n’a rien à envier à Versailles, avec ses salons d’apparat et des œuvres d’art exceptionnelles. Invité par Fouquet pour une fastueuse fête, Louis XIV prendra ombrage de tout cet étalage de richesse et fera arrêter le présomptueux et malhonnête surintendant. Il mourra en prison, après 19 ans d’incarcération. Mais son superbe château lui a survécu ! https ://vaux-le-vicomte.com/
6.Vue sur Paris, depuis la Seine
Cette croisière fluviale se termine de manière spectaculaire, par une entrée dans Paris par la Seine. À l’approche de la capitale française, l’agitation se fait de plus en plus frénétique sur les berges encombrées de bateaux-restaurants. Puis les premiers bâtiments prestigieux de Paris apparaissent. Les passagers de la Raymonde sont aux premières loges pour admirer la Ville Lumière qui défile sous leurs yeux. Pour marquer l’instant, un couple décide même de se plonger avec délice dans le jacuzzi installé à la proue du bateau. Au rythme des ponts enjambant la Seine, on admire la cathédrale Notre-Dame restaurée, le musée du Louvre, l’assemblée nationale, les Invalides, la tour Eiffel, la réplique de la statue de la Liberté… Pendant trois heures, le spectacle est permanent et laisse des souvenirs inoubliables.
Il est temps de s’amarrer au cœur de Paris. CroisiEurope a toutefois réservé une dernière surprise sous la forme d’un dîner de gala et d’une soirée “Titi parisien” à bord. Au milieu des passagers, deux artistes interprètent, dans une joie communicative, un répertoire de chansons liées à la capitale de l’amour (voir notre vidéo en scannant le QR Code en page 25)