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Après la vague de froid, les naufragés de la rue retrouveront l’ombre : “On ne nous prend pas au sérieux. On ne compte pas”


Les associations d’aide aux sans-abri sont aussi dans la dèche

Sa chambre ? Un couloir du prémétro Albert

Assis dans le restaurant de l’Ilot, Djeng a troqué ses belles godasses contre des Crocs et de grosses chaussettes. Il a passé la nuit dans le métro. Sans matelas, sans rien, “comme ça”. Le jeune Congolais ne se lamente pas : “Tout obstacle te donne des opportunités. La Belgique, c’est le meilleur pays : il m’a accueilli.” Le jeune homme a d’ailleurs reçu ses papiers il y a six mois. Entre-temps, il a décroché un travail comme préparateur de commandes dans un magasin bio. Mais il galère pour se loger. À deux reprises, il a trouvé une colocation qui aurait permis de diviser le prix du loyer ; il s’est fait arnaquer les deux fois. Il cherche un studio à un prix abordable. En attendant, sa chambre, c’est un couloir du prémétro Albert.

Pourquoi pas le Samusocial ? “J’ai supprimé le numéro sur mon téléphone. Quand tu appelles à 14 heures, on te dit qu’il n’y a plus de place. On te dit de rappeler à 22 heures. Quand tu appelles à 22 heures, ça sonne mais ils ne décrochent même pas. Je préfère ne plus espérer.”

Kanis dort “à gauche, à droite ou dehors”

Après de nombreuses tentatives infructueuses, Kanis a passé la nuit dernière dans une place d’urgence ouverte par le Samusocial. Un coup de bol, dit-il. “C’est bizarre : ils disent à la télé qu’il suffit d’appeler, mais la plupart du temps, ils ne répondent pas. Hier soir, dans la salle où je dormais, il y avait deux lits vides alors qu’il y a des dizaines de femmes et d’hommes à la rue. J’étais un peu choqué.” Sinon, depuis qu’il a perdu son studio, il y a deux mois, Kanis, 38 ans, dort “à gauche, à droite ou dehors”. Il rigole : “J’ai des amis. Je m’en sors quand même. Je suis un guerrier.”

Avant d’accéder à un logement social, Sandro a galéré dans la rue pendant huit ans. S’il en est sorti, c’est grâce à l’Ilot. L’ex-sans-abri y est devenu bénévole, il y a dix ans. Il donne un coup de main à la cuisine, coupe les légumes, fait de la mise en place. Le quinquagénaire était auparavant employé dans l’Horeca. “J’ai travaillé à l’hôtel Hilton pendant dix ans. J’ai commencé comme commis et je suis devenu chef.” Avant de tomber en invalidité. “Je suis kaput, bon pour la ferraille”, lance-t-il en riant fort.

Branle-bas de combat pour mettre les sans-toit à l’abri du froid

Un problème de santé qui fait basculer

C’est aussi un problème de santé qui a fait basculer Dominique, 60 ans. Il a été chef d’entreprise. Une maladie l’a écarté du boulot ; des problèmes bancaires l’ont fichu à la rue. Il vient à l’Ilot quasi tous les jours : “C’est comme ma famille ici. Je suis bien.” Il s’emporte contre le système d’aide aux sans-abri. “Ce qu’ils racontent à la télé, c’est bidon ! Trouver des solutions pour tout le monde, c’est difficile mais ils sont aveugles : ils ne voient pas le côté pratique de notre situation.” Comme, par exemple, le battement d’une heure trente entre la fermeture de l’abri de nuit et l’ouverture de l’accueil de jour. Un café à 2,50 euros pour patienter dans un bistrot, ça fait cher au bout de la semaine. “Dormir avec les pieds gelés, il faut l’avoir vécu pour comprendre”, s’énerve Dominique. “On ne nous prend pas au sérieux parce qu’on nous voit comme des handicapés sociaux. On ne compte pas.”

Des soins d’hygiène pour les personnes sans abri

”Il y a autant de morts en rue en été qu’en hiver”

Ariane Dierickx, directrice générale de L'Ilot.
Ariane Dierickx, directrice générale de L’Ilot. ©Arnaud Ghys

Le thermomètre va remonter à partir de vendredi. Les sans-abri ne crèveront plus de froid. Mais ils continueront à mourir à petit feu, loin des caméras braquées sur leur sort. “Il n’y a pas de saison pour le sans-abrisme”, insiste Philippe De Buck, directeur du Centre de jour de l’Ilot. Les subsides supplémentaires que l’ASBL reçoit pour l’hiver sont répartis pour améliorer les services tout au long de l’année.

Les chiffres le prouvent : il y a autant de morts en rue en été qu’en hiver”, renchérit Ariane Dierickx, directrice de l’Ilot. Les structures d’accueil des sans-abri, saturées toute l’année, ne peuvent pas pousser les murs. En dix ans, rien qu’à Bruxelles, la population sans abri à Bruxelles a quadruplé.

Que faire ? “Pour nous, la vraie solution, ce n’est pas d’augmenter sans arrêt le nombre de places, mais de s’orienter vers des remises en logement à long terme”, poursuit Ariane Dierickx.

Un premier centre d’accueil pour femmes sans abri

Le vrai problème, c’est la crise du logement

Jusqu’ici, la Cellule de captation et de création de logements parvenait chaque année à faire une centaine de remises en logement à Bruxelles. Mais en 2023, elle n’a pas pu arriver à 90… “Pour la première fois depuis dix ans, il y a eu une baisse”, constate la directrice de l’Ilot.

Parallèlement, on assiste à un effet de rattrapage. “Il y a malheureusement plus de personnes qui arrivent en rue au quotidien que de personnes qu’on arrive à en sortir.” Les solutions proposées restent insuffisantes. “Il faut oser aborder le vrai problème : la crise du logement”, exhorte Mme Dierickx. “Cela passe par un encadrement des loyers et des mesures qui permettent véritablement aux personnes d’avoir accès à un logement à un prix abordable. Cela doit redevenir un droit.”



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Written by elitebrussels

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