in

Dans les quartiers populaires en France, la victoire du RN pourrait raviver des braises encore incandescentes



Il y a un an, le 27 juin 2023, Nahel Merzouk décédait des suites d’un tir policier après un refus d’obtempérer. La mort de l’adolescent de 17 ans a été filmée et la vidéo a fait le tour des réseaux sociaux, déclenchant trois semaines de violences visant surtout ce qui représentait l’État et les pouvoirs publics. Ces émeutes urbaines ont été bien plus étendues sur le territoire français que celles de 2005, survenues après la décès de deux adolescents, Zyed Benna et Bouna Traoré, à Clichy-sous-Bois (Seine-Saint-Denis).

Mort de Nahel: “Mon client est très menacé, il n’est pas question qu’on voit son visage”, journée de reconstitution sous haute sécurité à Nanterre

Un an après la mort de Nahel, aucune date n’a été fixée pour le procès du policier. Mis en examen pour meurtre et placé en détention provisoire, l’agent a été remis en liberté le 15 novembre et placé sous contrôle judiciaire. Il plaide la légitime défense. Une thèse contredite par la vidéo et certains témoignages, et écartée par les juges d’instruction.

Une autre enquête dont l’issue est également attendue concerne Jean Messiha, qui avait lancé une cagnotte permettant de récolter 1,6 million d’euros pour le policier. Entendu en novembre, le polémiste d’extrême droite a fait l’objet d’une plainte pour escroquerie en bande organisée de la part de la famille de Nahel Merzouk, mais la justice n’a jamais communiqué sur ce dossier.

“La réponse du politique est autoritaire”

Quant à la réponse du camp présidentiel et du gouvernement apportée depuis un an, elle est claire : c’est le “tout-sécuritaire”. “C’est une réponse plutôt conservatrice, autoritaire, de droite”, analyse François Dubet, sociologue et professeur émérite à l’Université de Bordeaux. “J’y vois une impuissance politique qui se manifeste, avec un appel à la répression, à la punition des parents, à la lutte contre l’immigration. Pour le reste, nous sommes plutôt dans la non-réponse aux problèmes de fond. Il n’y a eu aucune esquisse de nouvelle politique de la ville, qui est en état de mort cérébrale, aucune nouvelle politique scolaire… Tout se passe comme si la ségrégation sociale, ethnique, était actée. Comme si c’était dans l’ordre normal des choses.”

Mais même cette réponse sécuritaire ne semble pas à la hauteur de la problématique. Un simple exemple : les opérations “place nette XXL”, vantées par l’exécutif sortant, et visant à lutter contre la délinquance et plus particulièrement le trafic de stupéfiants. “C’est juste de la communication, déplore François Dubet. C’est très spectaculaire, les policiers arrivent, ils font fermer les points de deal, ils s’en vont, et ça redémarre. En réalité, même les policiers se sentent impuissants face à cette situation.”

Des maires partisans du tout-sécuritaire ont eux aussi décidé d’agir à leur échelle. En avril, Robert Ménard, le maire de Béziers proche de l’extrême droite, a ainsi décidé d’instaurer, la nuit, un couvre-feu pour les mineurs de 13 ans et moins non-accompagnés d’un adulte. Quelques autres villes, dont Limoges, lui ont emboîté le pas, tandis que des acteurs locaux déplorent un désinvestissement du pouvoir en place dans la culture, l’associatif et le social. D’autres communes ont préféré miser sur la médiation.

A Limoges, le couvre-feu pour les mineurs divise la population.

“Aucune remise en question”

Maître de conférences en sociologie à l’Université Jean-Monnet de Saint-Etienne, Samir Hadj Belgacem déplore quant à lui l’absence de réflexion du pouvoir politique en matière de doctrine policière. “Il y a peu de pays européens où l’on emploie les forces de l’ordre comme en France, mais il n’y a aucune remise en question. Rien. Au contraire, depuis 10 ans, on donne plus de moyens à la répression, on légitime la violence, on renforce l’usage des armes à feu… Et ça ne marche pas. On le voit, on le sait, mais on continue.”

Samir Hadj Belgacem souligne également que l’état des services publics est de plus en plus défaillant dans les quartiers populaires, où les habitants se sentent abandonnés. Les cris d’alarme ont été nombreux ces derniers années. “Mais le pouvoir politique central n’entend pas cette colère, même quand elle est non violente”, regrette le sociologue, qui se réjouit toutefois du “sursaut civique” d’une partie de la population de ces quartiers qui, face à l’indifférence à leur égard, “s’investit, s’engage, même politiquement, et qui tente de trouver des solutions non violentes”.

“Imaginons une victoire du RN le 7 juillet”

La fracture semble de plus en plus béante entre le pouvoir public central et les quartiers populaires. Les braises de l’été 2023 sont encore incandescentes, et le Rassemblement national, un parti qui défend la préférence nationale pour les prestations sociales et qui veut interdire certains emplois publics aux binationaux, est désormais aux portes du pouvoir.

Cet été à Limoges, un couvre-feu pour les mineurs non accompagnés de 13 ans et moins

“Avec une victoire de l’extrême droite aux élections législatives, même s’ils n’ont pas une majorité absolue, et une ou deux bavures policières, il ne faut pas être grand clerc pour imaginer ce qui va se passer. Et dans quelques semaines, ce sont les Jeux olympiques”, lâche François Dubet. “Il ne reste plus qu’à espérer que l’on a tort.”



Source link

What do you think?

Written by elitebrussels

la péniche-festival qui fera bientôt escale à Bruxelles

Vente Artcurial : 16 objets de sport légendaires passés au bleu de Klein