La mécanique est connue, depuis les négociations pour former la majorité Vivaldi en 2019, auxquelles participait, déjà, Georges-Louis Bouchez. Un jour, c’est Conner Rousseau qui est incriminé. Une autre fois, c’est Georges-Louis Bouchez. Comme en août dernier, lorsque les tensions estivales entre le président du MR et le formateur Bart De Wever avaient débouché sur un arrêt des négociations pour former l’Arizona.
Mais quel type de négociateur est, au fond, le patron des libéraux francophones ?
“Bart, tu te fous de moi?”: retour sur le clash entre De Wever et Bouchez qui a acté le divorce entre leurs partis
Aller chercher des trophées
Chez la plupart des personnalités politiques, c’est la bivalence qui prévaut. Pour former un gouvernement, un président de parti doit faire des compromis, mais il doit aussi, et avant tout, obtenir des trophées pour sa formation politique.
“Georges-Louis est clairement plus fort pour aller chercher des victoires pour son parti que pour trouver le compromis, observe une source libérale. C’est un pitbull politique. Quand il a posé sa mâchoire sur quelque chose, il ne lâche pas, jamais. Ce qui peut être difficile à gérer, c’est que tout, pour lui, est une bataille d’égale importance. Il est capable d’emmer… longtemps un négociateur d’un autre parti sur un sujet mineur et d’y aller au forceps. Il ne fait pas de hiérarchie et pour lui, il n’y a pas de petite victoire.”
Ce jusqu’au-boutisme lui a permis d’aller chercher des victoires politiques retentissantes, comme la prolongation du nucléaire, tout en le poussant, parfois, à s’obstiner en dépit du bon sens dans certains dossiers, comme celui de l’inscription de Julie Taton comme candidate aux élections communales de Mons.
Doté d’une énergie hors du commun et d’une passion dévorante pour la politique, Georges-Louis Bouchez a, en somme, les défauts de ses qualités.
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Résistant et brutal
“Dans une négociation, il est capable de tenir la distance très longtemps, malgré la fatigue. Ce n’est pas le genre de négociateur qui se fait avoir à l’usure, ajoute une source bien informée. Il n’est pas là pour se faire des amis, mais pour engranger des résultats. Dans son comportement en négociation, il peut se montrer tête brûlée, brutal, et crisper ses interlocuteurs.”
Les diverses négociations (Vivaldi, gouvernement wallon, gouvernement bruxellois, Arizona) qu’il a menées depuis son accession à la présidence du MR foisonnent d’anecdotes de ce type.
L’an dernier, lors des négociations bruxelloises, il crispe Ahmed Laaouej, président du PS bruxellois et provoque l’arrêt des discussions durant plusieurs jours.
En négociations, il semble penser qu’il gagne s’il fait mal à l’autre. Il cherche à dominer, à imposer sa vision. C’est assez déroutant. Il n’a pas de surmoi et est sans-filtre dans ses propos.”
“En négociations, il semble penser qu’il gagne s’il fait mal à l’autre. Il cherche à dominer, à imposer sa vision. C’est assez déroutant. Il n’a pas de surmoi et est sans-filtre dans ses propos. Violent avec ses adversaires, mais aussi avec les gens de son parti”, pointe un socialiste.
“Georges-Louis Bouchez a érigé l’humiliation et l’insulte en technique de négociation”, avait ainsi estimé début janvier Zakia Khattabi (Écolo).
Au sortir de l’été 2025, lors des négociations de l’Arizona, il aurait déjà, selon La DH, traité Conner Rousseau, président de Vooruit, de “petit gamin”.
Les retours de ce type ne datent pas d’hier.
C’est ainsi que, lors de la négociation pour former la Vivaldi, les autres présidents de parti avaient demandé le retour de Sophie Wilmès à table pour arrondir les angles.
“Wilmès et Bouchez en négociations, c’est un peu la Belle et la Bête”
“Je fais l’objet d’un bashing”
Georges-Louis Bouchez a souvent vécu comme une injustice le traitement médiatique qui lui est réservé. “Je fais l’objet d’un bashing car certains points sur la table ne m’ont pas paru équilibrés. Je ne l’explique pas dans la presse car je ne veux pas envenimer les choses. Cela n’est néanmoins pas agréable humainement de lire tant de faussetés”, avait-il expliqué dans une réponse à la lettre ouverte que lui avait adressée David Soors, président du MR louviérois, toujours en 2020, qui lui reprochait son attitude en négociations.
Sophie Wilmès, de l’avis de certains observateurs, constituait un contrepoids important à Georges-Louis Bouchez, dans une forme de dynamique du bon et du mauvais flic.
L’ancienne Première ministre a depuis lors rejoint le Parlement européen et c’est surtout David Clarvinal, davantage dépendant du président du MR pour son avenir politique, qui épaule aujourd’hui le Montois.
Georges-Louis Bouchez, encore davantage depuis sa victoire électorale du 9 juin, est habité de la conviction qu’il vaut mieux, pour connaître le succès, s’écouter lui-même que de suivre les conseils politiques des autres. Sur le plan technique, la donne est différente, puisqu’il s’appuie, à la table des négociations, sur une équipe aguerrie emmenée par Gérald Duffy, ancien chef de cabinet de Charles Michel, Sophie Wilmès et David Clarvinal.
S’il sent que la dynamique est au compromis de part et d’autre, Georges-Louis Bouchez peut être la force motrice d’un accord”.
“Quand Georges-Louis Bouchez estime qu’on ne le respecte pas et qu’on se moque de lui dans une négociation, son sang ne fait qu’un tour, et là, on le perd. Il se lève et crie. Certains analysent ça comme une méthode de négociation, une sorte de dramatisation. Mais non, ce n’est pas du cinéma. Il mange, dort, rêve politique. Quand tu touches à certaines de ses valeurs, de son idéologie, ça le perturbe au point de sortir de ses gonds. Dans ce genre de cas, ça peut complexifier la négociation, observe un politique qui l’a côtoyé en négociation. Par contre, s’il sent que la dynamique est au compromis de part et d’autre, il peut être la force motrice d’un accord. Lorsqu’il a négocié avec Maxime Prévot en Wallonie, tout s’est bien passé. Ils sont devenus potes.”
“Il peut désarçonner”
Georges-Louis Bouchez peut être dur. Paradoxalement, il peut aussi désarçonner son interlocuteur en passant rapidement d’une colère homérique à un comportement aimable, sympathique et rigolard.
C’est ce comportement, couplé à sa force de conviction et de séduction, qui lui a permis, lors des élections à la présidence du MR de 2019, de convaincre plusieurs barons pourtant fondamentalement hostiles de le soutenir. Certains d’entre eux, comme Jacqueline Galant, sont aujourd’hui ministres.