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« Les nostalgies sont multiples »


David Berliner intervient au Forum philo samedi 25 novembre à 15 heures

L’anthropologue David Berliner.

Il y a aujourd’hui, dans de nombreuses parties du monde, une prolifération de la nostalgie, déployée dans des univers aussi divers que le nationalisme, les politiques patrimoniales, le consumérisme vintage, l’industrie du tourisme et les mouvements religieux et écologiques.

Pourtant, contrairement à l’image que l’on pourrait s’en faire, la nostalgie n’est pas une émotion unidimensionnelle. Bien qu’elles s’élaborent sur l’idée que le passé est unique et la temporalité irréversible, les nostalgies sont en effet multiples, et mettent en jeu des investissements cognitifs et ­affectifs spécifiques.

Par exemple, certaines formes de nostalgie sont plus ou moins déconnectées de sentiments intenses, comme ces souvenirs doux-amers que j’ai de moments remarquables de mon enfance, mais que je n’ai pas le désir de ressusciter. La nostalgie peut également être complètement dissociée d’expériences personnelles. Dans le monde entier, de jeunes patriotes sont nostalgiques d’un pays qu’ils n’ont pas connu et qui n’a probablement jamais existé. Je suis toujours surpris par l’enthousiasme un peu passéiste de mes étudiants pour des genres musicaux comme le punk ou le rock des années 1970, qui appartiennent plutôt à la génération de mes ­parents (mais dont ces derniers m’ont transmis le goût). En outre, certains éprouvent de la nostalgie pour des lieux et des époques sans lien aucun avec leur histoire, à l’instar de ces touristes qui regrettent le passage du temps lors d’une visite dans une contrée lointaine. Ne vous êtes-vous jamais surpris à vous lamenter de la disparition d’une époque que vous n’avez pas connue ? Ou encore de l’extinction de formes de vie lointaines, de cultures qui ne sont pas les ­vôtres ?

Deux attachements nostalgiques

Suivant l’effort typologique de Svetlana Boym (romancière, théoricienne et artiste russo-américaine, 1959-2015), qui opère une distinction entre nostalgie « restauratrice », cherchant à restaurer à l’intact, et « réflexive », ­témoignant d’un regard ironique, voire humoristique, sur le bon vieux temps, je propose de caractériser deux attachements nostalgiques.

Celui pour un passé vécu ­personnellement, l’« endonostalgie », qui en implique une appropriation subjective et dont la fameuse madeleine de Proust est la référence la plus emblématique. On pleure sa jeunesse et, souvent en manipulant des photographies et d’autres objets, on se remémore avec mélancolie des gens, des situations, des saveurs. Ces souvenirs nostalgiques relient viscéralement l’individu à son ­histoire, lui permettant de revenir dans son esprit à des événements qu’il a connus.

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Written by elitebrussels

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