“Il y a deux, trois ans, je ne pensais pas que je serais de retour ici aux Jeux, alors participer à la compétition et repartir avec quatre médailles… Je ne suis pas fâchée, je suis plutôt fière de moi”, a réagi la gymnaste américaine selon les propos relayés par l’AFP. Star incontestée de la discipline, elle défie les lois de la gravité et les statistiques avec en tout 7 médailles aux Jeux olympiques et 30 médailles aux championnats du monde. Après un parcours du combattant pour retrouver sa santé mentale, la jeune femme inspire les jeunes gymnastes par ses prouesses, sa force physique et mentale malgré son vécu, la féroce concurrence, et la pression externe des médias et réseaux sociaux. En exposant à la lumière olympique sa fragilité psychologique, la gymnaste la plus médaillée de l’Histoire a fait bouger les lignes, libérant la parole.
Simone Biles raconte sa mésaventure à Paris après la cérémonie de clôture des JO
Les deux premiers épisodes du documentaire “Le nouvel essor de Simone Biles” sur Netflix dévoilent les coulisses de sa résurrection. Un portrait captivant et touchant de l’icône olympique qui a mis l’importance de la santé mentale des athlètes au-devant de la scène.
La descente aux enfers
Le documentaire démarre lors des jeux olympiques de Tokyo 2020 et la finale de l’équipe féminine de gymnastique où l’équipe américaine vise sa troisième médaille d’or consécutive. “J’ai toujours eu une très bonne intuition. Du genre flippant. Je n’en parle jamais. Mais je ressens beaucoup de choses qui vont arriver. Et j’avais ce pressentiment pour les JO”, révèle Simone Biles dans celui-ci. Lors de ces jeux de Tokyo, “il ne s’agissait pas de savoir si elle aurait de l’or mais combien de médailles d’or. Elle était censée battre des records de médailles”, témoigne sa coach Cécile Canqueteau-Landi. Alors que le monde entier attend qu’elle soit la meilleure, sur le saut de cheval, “quel choc ! Elle n’a fait qu’une vrille et demie. Elle devait faire deux vrilles et demie. Elle était totalement désorientée”, commentera un journaliste sur place. Et la championne d’annoncer son retrait de la compétition.
“Tout ce qui s’est passé dans ma carrière, je l’ai enfermé dans une boîte… Notre corps ne tient qu’un temps avant que nos fusibles explosent”, confie la gymnaste depuis son domicile à Houston au Texas. Lors de son retrait, c’est le sentiment de “honte”. La gymnaste souffre de “twisties”, qui consistent en une perte de repères en plein saut, extrêmement dangereux pour les gymnastes qui peuvent retomber sur la tête, mais le mal est plus profond encore. Dans une vidéo où elle se filme, en pleurs, elle explique “souffrir de blocages psychologiques”. “J’ai dû combattre mes démons entraînement après entraînement”, confie celle qui suit depuis une psychothérapie.
Simone Biles qualifie la finale de la poutre de “bizarre et gênante : il n’y avait pas suffisamment d’encouragements
La pression des médias
Le documentaire revient sur les raisons qui ont entraîné sa chute : la pression des médias, le Covid durant lequel les athlètes s’entraînent confinés avec un masque. Au sens large, le documentaire insiste sur les pressions physiques et mentales exercées sur les athlètes au travers de témoignages et images d’archives d’autres gymnastes, qui ont enchaîné les compétitions malgré leurs blessures, leurs souffrances physiques et émotionnelles, comme Kerri Strug, gravement blessée à la suite d’un saut. Après l’icône de sa discipline, Simone devient l’icône du bien-être des sportifs : “Il faut faire passer sa santé mentale avant tout sinon on ne prend aucun plaisir”, avait-elle expliqué aux médias. “Les gens vous mettent sur un piédestal alors que je veux juste être humaine”.
Le documentaire fait aussi un focus sur les entraîneurs et époux Karolyi, appelés par la fédération américaine pour entraîner les gymnastes américaines, avec “une méthode archaïque ramenée de Roumanie”, un entraînement militaire à l’alimentation stricte, durant lequel aucune importance n’est accordée à la santé mentale. “On pensait que l’intensité, la douleur, la colère et la négativité étaient nécessaires”, témoigne une ancienne gymnaste.
Les critiques des réseaux sociaux
Le documentaire évoque aussi les critiques subies par l’athlète sur les réseaux sociaux, notamment sur ses cheveux, après 2016. “Ils aiment tout commenter. Les normes de beauté sont trop pesantes”, livre-t-elle. Plus largement le documentaire souligne la difficulté pour les gymnastes afro-américaines “aux cheveux crépus”. À16 ans, Gabby Douglas, première gymnaste noire à gagner un titre olympique, “et on commente ses cheveux, son maquillage…”, commente une ancienne gymnaste. Simone subit aussi les critiques à son retrait des JO de Tokyo alors qu’elle est la favorite : “Tu lâches ton équipe” ; “Elle était censée être la meilleure”.
Des traumatismes
Mais Simone Biles n’a pas fait de la santé mentale sa seule bataille. Un mois après les JO de Tokyo, elle s’est portée ambassadrice des plaintes contre l’ancien médecin de l’équipe féminine américaine Larry Nassar, agresseur sexuel de 256 athlètes aux États-Unis, condamné à la perpétuité. La gymnaste évoque “un traumatisme”.
Son enfance a aussi laissé des traumatismes. Mère toxicomane, ses quatre enfants lui sont retirés. Simone est adoptée avec sa plus jeune sœur par ses grands-parents. “Je n’oublierai jamais d’où je viens et comment ça a fait de moi la personne que je suis aujourd’hui. J’ai toujours su que je voulais repousser les limites et les statistiques”, évoque-t-elle.
Une longue pause
“Même après tous mes traumatismes, toutes mes chutes, je me suis toujours relevée”, poursuit-elle. On la voit, faire des allers-retours à la gym, recommencer à zéro, entraînement après entraînement, recommencer à se faire confiance, et retrouver l’amour de son sport, soutenue par son mari.
Car depuis, en deux ans de pause, elle s’est mariée avec un joueur de la NFL, rencontré sur Internet, construit une maison, et compte bien participer aux JO de Paris. L’athlète se surpasse aux entraînements. “J’écris ma propre fin”.
Retour à la compétition
On la suit ensuite lors des championnats du monde à Anvers fin 2023, appelés les “mini JO”, qui doivent marquer les premiers pas de son retour. Elle évite les médias pour rester concentrée. “Si vous aimez Simone Biles, laissez-la tranquille et regardez le show”, quémande sa coach aux médias.
La fin du premier épisode s’arrête et le second s’ouvre sur son saut (qu’on ne verra pas) symbole de son retour : le Yurchenko double carpé, qui portera son nom. “Si la main glisse, on peut finir paralysé”, reconnaît-elle. Qu’importe, elle prend le risque. L’exploit s’ajoute aux autres mouvements à son nom, deux au sol : Le Biles 1, un double saut avec demi-vrille, Le Biles II un triple salto, le saut à cheval demi-tour suivi de deux vrilles ; et la poutre sortie en double salto avec deux vrilles. “Simone Biles, un retour gagnant”, titrent les journaux. Elle remportera six titres de championne du monde du concours général de gymnastique.
Le documentaire dévoile des images de la gymnaste enfant dont le destin l’appelait. Dès ses débuts en gymnastique, Simone Biles est une petite fille musculeuse, pleine d’énergie, qui ne tient pas en place. Le monde la découvre à 19 ans, lors des premiers jeux à Rio en 2016, “c’est la nouvelle reine de la gymnastique”, commentaient alors les journalistes alors qu’elle commençait à écrire l’histoire.
De nouveaux épisodes sur Simone Biles sont prévus à l’automne sur sa participation aux JO de Paris. Ceux-ci insisteront sur la discipline qui devient plus exigeante, et les difficultés physiques au fil de la prise de l’âge : “Mon corps est une bombe à retardement”. Et son mari de conclure : “C’est cruel la popularité, on va chercher à te détruire. Quand tu es au top, tout le monde te juge, et tu te sens seul “.