Si l’heure est à la fête pour certains, d’autres font désormais face à l’incertitude. “Les développements en Syrie [sont] un tournant significatif et dangereux“, déclarait lundi le député du Hezbollah Hassan Fadlallah. Le renversement du dictateur représente de fait un nouveau revers pour la milice chiite, car c’est la première fois depuis sa naissance dans les années 1980 que la Syrie n’est pas gouvernée par le clan Assad. Plus qu’un allié stratégique, le régime syrien a toujours été un élément central de l'”Axe de résistance” (réseau de proxys chapeauté par l’Iran). Et un partenaire clé du Hezbollah.
Avec la fin du régime Assad, qu’en est-il des combattants belges en Syrie ?
La fin d’une ère
Bordé à l’ouest par le Liban et à l’est par l’Irak (sous influence de Téhéran), le territoire syrien constituait un corridor logistique naturel permettant à l’Iran de transférer du matériel militaire et des hommes vers la milice chiite. La République islamique aurait également implanté quelque 500 sites militaires de diverses natures. Parmi eux, des usines produisant armes et projectiles et permettant la reconstitution du stock militaire du Hezbollah. Désormais hors d’atteinte du groupe armé libanais, elles sont progressivement récupérées par les rebelles affiliés au prochain gouvernement de Damas.
Pour remédier à cette perte, le Hezbollah devra désormais compter sur ses propres installations de production militaire, partiellement démolies par les frappes israéliennes. Un repli sûrement temporaire car, à n’en pas douter, la milice trouvera à terme des mécanismes de contournement. “Une partie du trafic passera probablement par les ports libanais de Tripoli et de Beyrouth et par l’aéroport international de la capitale“, observe Didier Leroy, chercheur au Centre d’études de sécurité et défense de l’Institut royal supérieur de défense (IRSD).
Le régime Assad était aussi un partenaire central dans le trafic du Captagon, molécule de synthèse produite en quantité industrielle sur le territoire syrien. Largement commercialisée au Liban, cette drogue représentait une source de revenus confortable pour le Hezbollah. La fin de ce commerce juteux augmente désormais sa dépendance à ses autres formes de financement, constituées entre 10 et 15% d’activités illégales.
Le sud de la Syrie “possède avant tout un intérêt tactique pour Israël”
Nouveaux voisins hostiles
Diminué sur tous les plans, le Hezbollah doit désormais composer avec la nouvelle équation syrienne. Et un prochain gouvernement dirigé par l’organisation islamiste Hayat Tahrir al Cham (HTC), avec laquelle les relations s’annoncent d’ores et déjà compliquées. La milice a été l’un des piliers majeurs de la riposte menée par Assad à partir de 2013 contre ces mêmes rebelles, et a occupé pendant plusieurs années des pans entiers du territoire syrien, tels que la région de Qousseir (ouest). “Le message a été très clairement lancé par HTC que l’ennemi principal reste l’Iran” et ses affidés, acquiesce le chercheur.
Signe avant-coureur, s’il en est, de tensions à venir, l’ambassade iranienne a été entièrement saccagée dimanche par les rebelles au moment de la prise de Damas. Contraint de se recentrer sur la seule arène libanaise, le Hezbollah “doit s’attendre à perdre son parapluie politique” et à “mettre son agenda régional en berne” pour l’instant, ajoute Didier Leroy. Auparavant poreuse et facile d’accès, la frontière syro-libanaise s’apparente désormais à un mur difficilement franchissable pour le “parti de Dieu”.