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Avec Norm et Balao, Bruxelles bien dans ses baskets durables


Sur le terrain très compétitif de la basket, Norm Shoes tente donc d’inscrire ce panier à deux points au marquoir. Et même à trois points puisque la marque lancée en 2019 par Nicolas Lavigna s’affiche bruxelloise. Ambition dès le départ: embarquer un maximum de matériaux réutilisés ou durables. Son premier modèle est tissé dans un fil en copeaux de plastique recyclés. “La matière première de notre fabricant portugais, ce sont des bouteilles récupérées en Espagne”. Pour “limiter les composants et les empiècements”, la tige de cette chaussure simple d’apparence mais ingénieusement conçue est “tricotée d’une seule pièce”. Fort: “les œillets pour les lacets sont intégrés” pour éviter le métal. La semelle de son côté se compose de “70% de caoutchouc recyclé et 30% de caoutchouc naturel”. Selon son concepteur, il s’agit là d’un “compromis entre style et usure”. Plus fort: l’ensemble de la chaussure peut être recyclée par le fabricant de semelles. “C’est pour ça qu’on n’intègre aucun élément métallique”. 3.000 paires ont trouvé leurs pieds depuis 2019.

Norm Shoes, le pionnier de la basket recyclée à Bruxelles, et Balao Shoes, le petit nouveau, jouent sur le terrain très concurrentiel de la sneaker verte, qui tente de freiner la gourmandise en CO2 des multinationales.
Dans les modèles de Norm Shoes, aucun élément métallique, pour favoriser le recyclage. ©EdA – Mathieu Golinvaux
Sustainably Engineered Sneakers - Norm - Marque de chaussure 

Nicolas Lavigna
Nicolas Lavigna ©Mathieu Golinvaux
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Nous, on est très scrupuleux dans nos sourçages. On atteint les 6,5kg de co2 par paire en fonction des matériaux. Avec une basket classique, tu es vite à 20kg.

Nicolas Lavigna “dessine des chaussures de foot et de basket depuis tout petit”. Gamin, le ket est “fan de chaussures de skate”. En 2024, ce designer industriel sorti de La Cambre sait que son secteur professionnel ne donne pas le bon exemple. “Les matériaux bas de gamme sont assemblés dans des usines à l’autre bout du monde en quantité astronomique qui, au final, est soldée ou jetée. C’est vraiment merdique”. Alors qu’il n’y a “aucun savoir-faire belge”, Norm fabrique donc au Portugal. Dans ce contexte, le designer voit positivement l’émergence de gros poissons de la chaussure “verte” comme Veja. “C’est un concurrent mais qui prend des parts de marché” aux leaders mondiaux. “Nous, on est très scrupuleux dans nos sourçages. On atteint les 6,5kg de co2 par paire en fonction des matériaux. Avec une basket classique, tu es vite à 20kg”. Le 2e modèle Norm recycle ainsi “des filets de pêche récupérés en Méditerranée”. Une filière “beaucoup racontée déjà”, exploitée par exemple par le géant Adidas. “Ils s’affichent à 2,9kg de CO2 par paire mais je crois qu’ils oublient quelque chose”, tacle le “footwear designer”, qui dessine aussi pour le segment de la chaussure de luxe.

Norm Shoes, le pionnier de la basket recyclée à Bruxelles, et Balao Shoes, le petit nouveau, jouent sur le terrain très concurrentiel de la sneaker verte, qui tente de freiner la gourmandise en CO2 des multinationales.
Balao Shoes imite le design des ballons de foot mais c’est dans les semelles que ceux-ci se retrouvent. ©EdA – Mathieu Golinvaux
Portrait de la marque de chaussures Balao shoes.

Chaussures/sneakers pensées en Belgique et fabriquées au Portugal à partir seulement de matières recyclables (déchets de pommes, mais par ex) et de ballons de football usagés. 

Antoine KECSKES
Antoine Kecskes ©Mathieu Golinvaux
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On est fans de foot. On se demandait ce que les grands clubs font de leurs ballons usés.

C’est aussi au Portugal que Balao Shoes produit son premier modèle, qui sera lancé “en février 2024”. La basket imaginée par Antoine Kecskes recycle pour sa part des… ballons de foot. Une originalité qui lui donne son nom puisque “balao” signifie tout simplement “ballon” en portugais. “Mon cofondateur Alexandre et moi, on est fans de foot. On se demandait ce que les grands clubs font de leurs ballons usés”, relate le Woluwéen de 27 ans. Réponse? Des dons ou des réutilisations dans les équipes de jeunes, dans le meilleur des cas. Ou la poubelle dans les pires. “Pour notre première chaussure, on a donc récupéré une quarantaine de ballons du Sporting de Charleroi. J’ai tout dégonflé moi-même dans mon garage. Avec ça, on fabriquera 200 paires. Tout est utilisé dans nos semelles”. Et le ballon est rappelé le design sobre de la chaussure.

Chaussure en bois

En quête du matériau de demain, Nicolas Lavigna sillonne les salons professionnels. “On doit évoluer vers le naturel. Mais il faut faire attention au greenwashing ambiant. Par exemple, le cuir de banane ou de marc de raisin embarque beaucoup de polyuréthane. Et donc est tout aussi polluant. De plus, le cuir végétal tanné tout blanc, c’est impossible: il demande du chrome”. Ainsi développe-t-il “un prototype avec un fil de cellulose”. Grosso modo, “c’est une chaussure en bois”, caricature-t-il en brandissant sa prochaine création, chaussure de marche “outdoor” à l’épaisse semelle “en mousse expansée recyclée à 30%”, qui se veut “moins lifestyle, plus fonctionnelle”. Autre piste: “du lin belge, naturel, local. Il a cet effet déperlant, un peu ‘papier’. On ne veut pas aller dans le cliché de la chaussure en chanvre. Mais montrer qu’on peut faire du technique, du moderne, avec des matériaux naturels autour de nous depuis des millénaires”. Avant ça, Norm va lancer un 3e modèle “100% coton recyclé”.

Norm Shoes, le pionnier de la basket recyclée à Bruxelles, et Balao Shoes, le petit nouveau, jouent sur le terrain très concurrentiel de la sneaker verte, qui tente de freiner la gourmandise en CO2 des multinationales.
Le premier modèle de Norm Shoes (en haut à gauche), le modèle “outdoor” prévu pour 2024 (en haut à droite) et le second modèle (en bas). ©EdA – Mathieu Golinvaux
Sustainably Engineered Sneakers - Norm - Marque de chaussure 

Nicolas Lavigna
Nicolas Lavigna ©Mathieu Golinvaux
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On ne veut pas aller dans le cliché de la chaussure en chanvre. Mais montrer qu’on peut faire du technique, du moderne, avec des matériaux naturels autour de nous depuis des millénaires.

Du côté de Balao, on s’est vite rendu compte que l’idée d’une basket 100% à base de ballons, c’est trop compliqué. Le duo de Woluwe-Saint-Lambert se replie donc sur un mix de matériaux. “Pour la tige, ce sont à 30% des déchets de pommes invendues des supermarchés portugais, alliés à du polyester, sans quoi le confort s’en ressent. La doublure intérieure est d’amidon de maïs. Les empiècements colorés sont en microsuède, un faux daim. On reste donc vegan. Enfin, la semelle mélange les ballons à une gomme recyclée, également produite au Portugal. Pour notre impact CO2, on veut rester en Europe. Mais en Belgique, les coûts de production sont très élevés. Et il n’y a aucune expertise de la sneaker”.

Pour rapprocher leur sourçage des ateliers, les jeunes entrepreneurs bruxellois vont démarcher des grands clubs portugais. “Mais on se rend compte que ces équipes pros, en Belgique ou ailleurs, ont souvent des contrats de partenariat qui les empêchent de céder leurs ballons”. Les invendus des grands magasins de sport sont une autre piste, qui semble tout aussi périlleuse. “On pourrait donc se tourner vers les balles de tennis: elles sont vite usées et il y en a beaucoup. Le procédé fonctionne déjà au Portugal”. Et ça éviterait d’expédier des ballons de foot en avion.

Norm Shoes, le pionnier de la basket recyclée à Bruxelles, et Balao Shoes, le petit nouveau, jouent sur le terrain très concurrentiel de la sneaker verte, qui tente de freiner la gourmandise en CO2 des multinationales.
Si Balao ne parvient pas à trouver un stock de ballons de foot suffisant, la marque de Woluwe se tournera peut-être vers les balles de tennis. ©EdA – Mathieu Golinvaux
Portrait de la marque de chaussures Balao shoes.

Chaussures/sneakers pensées en Belgique et fabriquées au Portugal à partir seulement de matières recyclables (déchets de pommes, mais par ex) et de ballons de football usagés. 

Antoine KECSKES
Antoine Kecskes. ©Mathieu Golinvaux
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Pour notre impact CO2, on veut rester en Europe. Mais en Belgique, les coûts de production sont très élevés. Et il n’y a aucune expertise de la sneaker.

“En dessous de 100€: très difficile”

Cette recherche de durabilité, elle a évidemment un prix. Les deux premières sneakers Norm se vendent aujourd’hui 169 et 199€. La petite dernière en coton affichera 99€. Prévue aussi pour 2024, la chaussure de marche plus haut de gamme est programmée à 279€. Chez Balao, il faudra compter 149€. “Le but, ça sera de les garder durablement”, pose Antoine Kecskes. On se positionne dans la slow fashion. On ne veut pas vendre, vendre et vendre”.

Dans le même esprit, Nicolas Lavigna en appelle à la conscientisation. “Une chaussure, ça coûte cher. En dessous de 100€, c’est très difficile. Ça veut dire qu’il y a quelqu’un qui paye, quelque part”, ironise le créateur en pensant aux travailleurs asiatiques. “Ces pratiques ne peuvent plus rester la norme. D’où notre nom. Il faut rééduquer le consommateur”.





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Written by elitebrussels

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